Vous aimez les polars et l’histoire ? Les énigmes mystérieuses et les frissons qui parcourent la colonne vertébrale ? Arrêtez-vous à la case prison pour une immersion toute en sensation à Alcatraz. Premier phare construit sur la côte Pacifique américaine (1854), l’île a quasiment toujours accueilli des prisonniers : elle abrite en effet des détenus civils dès 1861 puis devient un camp disciplinaire militaire en 1915 et un pénitencier fédéral de haute sécurité en 1934.

alcatraz-06

Pendant près de 30 ans, la prison d’Alcatraz sera la destination finale de prisonniers dangereux et perturbateurs. Les conditions d’incarcération, réputées difficiles, y amènent les plus violents et rebelles criminels. Coupés du monde, isolés sur un bout de rocher, les détenus y écument leurs peines à moins de 2,5 km des côtes de San Francisco, face à la beauté insolente de la ville, au coeur d’un environnement naturel exceptionnel et devinant au-delà de leurs barreaux les murmures de la vie quotidienne. Un contraste extérieur-intérieur saisissant.

alcatraz-triptique

Parmi les plus célèbres prisonniers d’Alcatraz, Al Capone, alias Scarface. C’est le parrain de la mafia qui fait trembler la Côte Est à la fin des années 20 et qui, suite à  une traque sans relâche, tombe pour fraude fiscale. Autres gangsters réputés pour leurs kidnappings et/ou autres crimes : George Kelly, surnommé « Machine gun » ou Alvin Francis, dit « Creepy » à cause de son lugubre sourire. Ennemi public n°1, ce dernier aurait séjourné 26 ans dans les cellules d’Alcatraz. Morton Sobelle, espion soviétique ou Robert Stroud surnommé « Birdman of Alcatraz » appartiennent aussi aux noms qui ont fait la légende de cette prison haute-sécurité.

alcatraz-07

Mais ceux qui alimentent largement le mythe d’Alcatraz sont les Frère Alvin et Frank Morris, trois détenus à avoir accompli l’impossible : s’échapper de la prison la plus sûre du monde. Malgré la surveillance des gardiens, les courants redoutables, l’eau glacée ou les requins de la baie, en 1962, ils prennent le large. Seule réussite sur les 14 tentatives d’évasion recensées. A l’aide de petites cuillères volées à la cantine, ils creusent les murs de leurs cellules pour agrandir les bouches d’aération. Le jour J, pour n’éveiller aucun soupçon, ils installent dans leurs lits des mannequins réalisés en papier mâché et cheveux naturels récupérés chez le barbier. Durant la nuit, ils sortent par leurs bouches d’aération, rejoignent le grand couloir derrière, puis le toit. Ils emportent de nombreux imperméables volés, sûrement en guise de bouée ou de radeau de fortune, puis ils disparaissent. Portés disparus, ils ont été présumés noyés mais certains indices laissent encore planer le doute. Un cliché pris au Brésil  en 1975 met notamment la théorie de leur mort à l’épreuve.  Le FBI pourrait même rouvrir l’enquête… Une histoire fascinante et inspirante qui a fait couler l’encre de nombreux auteurs et scénaristes. Et le suspense n’est pas terminé !

alcatraz-01

Pendant la visite, de nombreuses anecdotes, vestiges de la vie pénitentiaire sur Alcatraz entre 1934 et 1963, date de sa fermeture, sont racontées par d’anciens gardiens ou détenus qui, au creux de votre oreille, vous font littéralement vivre des moments phares du quotidien sur l’île. Les audioguides fournis sont très bien réalisés. Le son soigné, la narration incarnée, le fond documenté. On s’y croirait. J’ai frémi devant les traces de grenades tuant des prisonniers tentant de s’échapper. J’ai eu du mal à respirer dans une cellule d’isolement. J’ai imaginé les visites au parloir, ressenti la vie dans leurs cellules exiguës, imaginé leur réactions en écoutant les sons venant de San Francisco ou leur envie d’évasion face au Golden Gate Bridge. Les témoignages de ces audio-guides ont accompagné chacun de mes pas dans le pénitencier, le réfectoire, la salle de surveillance, les cuisines ou le bureau du directeur. C’est une visite intelligente à l’entertainment réussi. Pour peu que vous décidiez de découvrir Alcatraz de nuit, des rangers vous escortent et la visite prend une dimension encore plus impressionnante. L’atmosphère se fait encore plus pesante.Vous entrerez notamment dans l’hôpital, inquiétant bloc qui n’est pas ouvert en journée… Les animations sont aussi plus nombreuses : documentaires sur la prison, débats et tours thématiques sur les conditions en cellule d’isolement ( Qui était là et pourquoi?) ou sur les évasions par exemple.

alcatraz-05

Impossible de ne pas être pris aux tripes. Certains visiteurs relatent même qu’ils ont senti des présences. Entendu des bruits, des portes claquer, des grincements ou des pleurs. Terrorisés, certains assurent avoir vu des fantômes dans les corridors ou senti de l’air froid en certains endroits… La légende raconte même que l’une des cellules du Bloc C serait hantée par le Butcher, Abie Maldowitz de son vrai nom, un détenu aux très nombreuses victimes et qui aurait été assassiné pendant son incarcération. Même si des médiums ont travaillé dans la prison, ces phénomènes alimentent encore aujourd’hui le mystère d’Alcatraz. Et j’avoue que découvrir les cellules de l’hopital et le matériel médical, qu’arpenter les sentiers de l’île au crépuscule ou que voir la morgue à la nuit tombante, le tout, entourée de centaines d’oiseaux,  bah, ça fait froid dans le dos ! A seulement 15 minutes de traversée de San Francisco, explorer Alcatraz permet donc de voyager très, très, très loin et de remonter le temps. Vous découvrirez d’ailleurs aussi une autre tranche de vie de l’île avec des traces de l’occupation indienne, après la fermeture de la prison, entre 1963 et 1973, date à laquelle le gouvernement a repris le contrôle de l’île et l’a transformée en Parc National.  « Indians Welcome », une large peinture rouge sur les murs des premiers bâtiments des quais d’abordage rappelle cette période.

Alcatraz Indians Welcome

Visiter Alcatraz Island, c’est donc une expédition à travers les âges. Une excursion dans le passé mais aussi dans l’imaginaire. Cette île est habitée par son histoire, par ceux qui ont foulé son sol de grès, par ses prisonniers, par les indiens, par les oiseaux et par votre esprit ! Expérience inédite et passionnante. Pour avoir la chance de frissonner, réservez vos billets au moins deux semaines à l’avance sinon, vous risquez de rester sur le rivage San franciscain. Comptez ensuite 3 bonnes heures sur place et équipez-vous de bonnes chaussures pour vous balader sur les sentiers qui mènent au pénitencier. Pulls et manteaux ne sont pas de trop ! Le vent souffle, le temps change vite et l’air marin enveloppe même les plus réchauffés… Et pour ceux qui souhaitent se mettre dans l’ambiance, voici quelques films sur le sujet : Le prisonnier d’Alcatraz (1962, de J. Frankenheimer avec Burt Lancaster), L’Evadé d’Alcatraz (1979, de D. Siegel avec Clint Eastwood ) ou The Rock (1996, de M. Bay avec Nicolas Cage et Sean Connery). Mention spéciale pour Les Incorruptibles (1987, de B. De Palma avec Kevin Coster, Sean Connery ou Andy Garcia) pour l’excellente mise à l’écran d’Al Capone !

alcatraz-04