J’ai rencontré Magdalena Zilveti-Chaland peu de temps après notre arrivée dans la Baie de San Francisco. Psychologue clinicienne et coach de vie, elle intervenait lors d’une conférence organisée par une association d’accueil de francophones. L’objectif : aborder l’expatriation, ses enjeux, ses défis et répondre aux questions des p’tits nouveaux ! J’ai aimé son approche naturelle. Sa simplicité. Le choix de ses mots. Son humour. Son écoute. Et le vécu transperçant de ses analyses. Magdalena a grandi en France dans une double culture : chilienne et bolivienne. Arrivée en Californie en 2004, elle devait y rester quelques années mais ça s’est prolongé et elle n’est pas encore repartie ! C’est d’ailleurs ici qu’elle s’est spécialisée sur les problématiques de l’expatriation et a développé son activité professionnelle auprès de francophones, expats et migrants, du monde entier.

En publiant récemment un ouvrage pratique sur ces questions (« Réussir sa Vie d’Expat, S’épanouir à l’étranger en développant son intelligence nomade », éditions Eyrolles, sept. 2015), elle propose un guide malin truffé de conseils et agrémenté de témoignages. Les éclairages théoriques mettent en lumière les challenges auxquels un expat peut faire face. C’est accessible et couvre différents domaines de la vie quotidienne, de la sphère familiale à la sphère professionnelle. J’en garde le goût d’une lecture facile, des conseils précieux et le fait que l’expatriation est un enrichissement !

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Magdalena a accepté de partager un peu de son expérience avec Beyond The Bridge . Et j’en suis très contente car nous sommes de plus en plus nombreux à dépasser les frontières. L’expatriation a carrément la cote. Mais repousser les horizons n’est pas un événement anodin. Qu’il s’agisse d’un choix réfléchi ou d’une obligation. De l’aboutissement d’un rêve ou d’un déplacement non désiré. Que la terre d’accueil soit accueillante ou non… C’est toujours un grand bouleversement.

Si l’expatriation rime avec mondialisation, elle rime aussi avec adaptation ou révolution. Quitter les siens, ses racines, sa patrie, reste un voyage intime qui s’accompagne de remous. Qu’ils soient intérieurs ou non. Pour soi ou pour ceux qui nous entourent. Un périple entre moments de blues et d’euphorie. Turbulences et accalmies.

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Magdalena décrit avec sensibilité ces étapes, ces transitions d’un état à l’autre et ce voyage qui n’est pas seulement géographique. Interview :

Une expatriation, c’est quoi : un renouveau, un changement de cap, une transformation ?

S’expatrier, c’est quitter son pays pour aller vivre ailleurs. Mais où que l’on aille, on se réinstalle avec ses propres bagages, son histoire et son identité. On ne se transforme pas, on évolue. On change tout en restant soi-même ! Le départ permet en fait d’ouvrir de nouvelles portes ou d’exprimer des parties de soi parfois endormies. Certaines personnes auront de bonnes dispositions et s’épanouiront dans un nouvel environnement sans se poser trop de questions quand pour d’autres, le processus pourra s’avérer plus coûteux et plus long.

Quels sont les plus gros challenges à relever lors d’une expatriation ?
Bien s’intégrer dans une nouvelle culture est primordial. C’est l’aspect social de l’expatriation et c’est loin d’être toujours évident ! C’est variable selon l’environnement mais dans tous les cas, cela demande de ne pas s’attacher aux stéréotypes. On pense parfois que ce n’est qu’une question de langue mais ça va bien au-delà de la langue. La communication n’est pas seulement verbale et toutes ses subtilités prennent du temps à découvrir. Un autre défi majeur : définir ce que l’on recherche pour soi.  À l’heure actuelle, encore nombre de femmes suivent leur mari dans leur projet professionnel et ont tendance à s’oublier, à penser que les enfants doivent se sentir bien eux et que c’est l’essentiel. Mais non ! Savoir se demander ce que l’on attend de ce départ pour soi-même est une clé de la réussite.

Et c’est valable pour tous ceux qui s’expatrient ?
Oui, même si selon les âges, les défis diffèrent. Pour des adolescents, en pleine construction de leur identité, c’est plus difficile que pour des petits qui suivent leurs parents. Les ados ont besoin de s’évader de la sphère familiale et en expatriation, c’est évidemment beaucoup plus compliqué…

Les relations avec les proches restés au pays d’origine représentent-elles aussi un défi ?
Ça dépend des relations familiales et amicales d’avant le départ. De comment la famille a accepté votre expatriation et a accompagné ce projet. Mais quoiqu’il en soit, il faut accepter que les relations vont évoluer. Ça ne sera plus pareil. On ne retrouve plus les mêmes personnes. Vous évoluez de votre côté mais elles aussi. Elles changent. Parfois, il arrive que l’on ne se comprenne plus, parfois au contraire, la relation peut gagner en qualité avec la distance. On peut vivre aussi des moments plus intenses lors des moments partagés.

Comment recréer son chez soi ailleurs ?
Son chez soi, c’est un endroit où chacun peut se ressourcer, baisser la garde et se reposer. Et on a besoin de se reposer pour grandir! Pour le (re)créer ce chez soi, ici ou là, ou le transporter, il est nécessaire de définir ce qu’il est. Se faire son cocon, c’est savoir ce que l’on aime, ce dont on a besoin et ce qui nous fait du bien à soi. Il n’y a pas de règles. Pour certains, des éléments de son histoire comme des photos suffisent. Pour d’autres ce sera de la décoration, la présence d’un objet à forte valeur symbolique ou l’investissement d’une pièce, la cuisine par exemple si on aime passer du temps à cuisiner ou la chambre des enfants etc.

Quelques conseils pour une expatriation réussie ?
1. Développer son intelligence nomade c’est-à-dire sa capacité à s’ajuster en dehors de sa zone de confort et de ce dont on a l’habitude ! Il s’agit de développer des repères en soi et non géographiques.
2. Clarifier ses besoins, envies et buts car souvent, on ne se connaît pas assez bien ! Se demander ce que l’on a en nous est un bon départ pour mieux accéder à nos propres outils et aide à peu à peu s’ouvrir à l’extérieur et à l’environnement. La communication, la compassion ou l’adaptation sont ensuite des ponts vers l’extérieur.
3. Ne pas penser que l’expatriation est une mise entre parenthèses car cela n’aide pas à ressentir que cette expérience est enrichissante.
4. Rester vigilant à l’isolement et ne pas s’enfermer dans sa coquille même si parfois on peut avoir besoin de couper.
5. Ne pas comparer les histoires d’expats ! Partir à l’étranger demeure un fantasme. Pour beaucoup, c’est forcément génial et ça ne laisse pas d’autres choix. Mais tout le monde n’est pas fait pour l’expatriation… Certains ont besoin de maîtriser leur environnement et ce n’est pas toujours un plaisir. L’expatriation est une histoire de cas uniques et de relations particulières alors se référer à l’expérience de l’un ou de l’autre n’aide pas. Il y a autant d’histoire d’expatriation que d’expatriés.

La courbe qui illustre le choc culturel (tirée du livre) illustre assez bien ce que l'on a traversé ! Et on remonte !

La courbe qui illustre le choc culturel (tirée du livre) illustre assez bien ce que l’on a traversé ! Et on remonte !

Si vous voulez en savoir plus, ouvrez le livre de Magdalena Zilveti-Chaland ! Et si vous souhaitez prolonger le sujet en écoutant une émission radio, voilà un petit podcast de RFI . Vous pouvez aussi suivre son activité sur les réseaux sociaux et mon adaptation à notre nouvelle vie ici !

Bonne expatriation, en cours ou à venir !