Voilà. Ca fait maintenant 8 mois qu’on a posé nos valises dans une nouvelle maison, dans une nouvelle ville, dans un nouveau pays… A 9000 kilomètres des proches et des repères que l’on avait. Dans une culture différente et bien plus différente que je ne me l’imaginais. Mais c’est seulement maintenant que je le réalise. C’est ici mon chez moi. My home sweet home. Non, je ne rentre pas demain, ni même après demain ou le mois prochain. D’ailleurs, je ne sais pas quand je rentre ou même si je rentrerai un jour. D’ailleurs, cette idée de retour, faudrait que je l’ôte de ma tête pour commencer à vivre ici pleinement. Sans avoir les fesses entre deux chaises. Oui, j’irai en France en vacances mais les vacances, ce n’est pas le retour au pays. C’est profiter du temps au pays de son enfance, avec ceux restés à la frontière. Les vacances, c’est une pause, pas un retour. Bref, pour le moment, là, tout de suite, je vis ici. Berkeley est ma ville. La baie de San Francisco, mon nouvel environnement. Les Etats-Unis, mon pays d’accueil.

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Alors que s’est-il passé ces 8 derniers mois pour intégrer ça seulement maintenant ?! Bah, je crois simplement que le tourbillon de l’atterrissage (dans tous les sens du terme) et les challenges du déracinement, de l’installation et de l’intégration se sont calmés. La routine s’est installée et posée. Les journées se sont rôdées. Le rythme calé. Mon mari dirait en franglish qu’on est « set-upés » ! L’excitation retombe peu à peu et le quotidien, ici ou ailleurs, reste le quotidien ! Surtout avec les rythmes scolaires dictant le tempo des journées. Les premières visites familiales sont passées, l’accueil du voisinage aussi, les barrages administratifs se sont réduits, le tout, libérant un temps psychologique et l’opportunité de penser.

La  fatigue de la distance et de l’important décalage horaire ont aussi pointé le bout du nez. Difficile de vivre ici en passant des matinées au téléphone avec la France et les matinées du week-end sur Skype.Vivre là et là-bas en même temps, c’est beaucoup d’énergie. Puis voir mes proches parfois réunis pour une occasion, c’est un plaisir teinté de nostalgie, d’envie de les toucher, de boire à leurs verres et de les serrer. Que devoir prendre rendez-vous pour se parler estropie la spontanéité. Fige parfois les rapports. Essayez de mettre vos enfants (surtout entre 2 et 5 ans…) devant la caméra de Skype pour parler et vous comprendrez que ce puisse être frustrant pour les interlocuteurs à l’autre bout de la terre ! Il y a de la vie certes, on parle bien sûr, mais les échanges changent. C’est difficile à accepter. Pour ceux qui sont en France et pour nous aussi. Même avec les plus intimes, ça bouge et on ne sait pas de quoi sera faite notre nouvelle relation. Tout est à (re)construire. Avec la technologie qui nous aide ou nous empoisonne.

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Après 8 mois, je traverse donc une prise de conscience. Je ne suis pas ici en grandes vacances et je ne rentre pas demain. Le professionnel prend de plus en plus de place et je dois m’investir davantage. Je comprends aussi de plus en plus que venir nous voir n’est pas si facile que ça. Il y a 11 heures de vol, 9 heures de décalage et ici, le coût de la vie est indécent. Ca crée des freins. Puis c’est notre choix d’être venus là. Tu ne peux pas en vouloir à ceux qui ne peuvent pas venir te voir. Partager l’expérience avec toi. Même si ça te fait de la peine. J’aimerais que mes plus proches soient plus près, plus souvent. Que ma mère passe la moitié de son année ici auprès de mes enfants. Mais c’est impossible. Je vais devoir composer avec ça. Faire face à ça.

Partir et se construire un nouveau cocon, c’est un défi. Pour soi, pour ceux qui t’accompagnent et pour ton entourage. C’est une expérience nouvelle que j’explore avec des bons et de moins bons moments. Ici n’est pas mieux ou moins bien qu’ailleurs. C’est différent et je pense que toute la réussite d’une expatriation tient là : comment adopter et s’adapter à cette différence. Comment ne pas comparer ? Comment recréer tes repères en toi sans avoir ceux qui t’entouraient. Comment bâtir sur tout ce chamboulement ? Comment trouver l’équilibre entre la France et ton pays d’accueil ? La question reste ouverte et je vous tiendrai au courant de mes avancées ! Et pour éclairer ces problématiques, Magdalena Zilveti-Chaland, psychologue, coach de vie et auteure d’un récent ouvrage s’intitulant « Réussir sa vie d’expat » (Ed. Eyrolles, 2015) a accepté de répondre aux questions de Beyond the Bridge. Si vous vous intéressez au voyage intime qu’est l’expatriation, faites un petit détour par ici !