Pendant des mois, j’ai pris des heures et des heures à remplir mon caddy pour réapprovisionner mes placards et mon frigo vides. Faire le plein ici s’est transformé en mission périlleuse avec challenges à chaque shopping : « comment m’en sortir au rayon produits laitiers avec des yaourts qui plaisent aux enfants ? Comment choisir entre les 150 types de farines différentes ? Quelles subtilités entre les 70 pains présentés ? Le Chardonnay local vaut-il le Chardonnay français ? Comment dénicher de la fleur d’oranger ou un déodorant sans sel d’aluminium ? Comment faire la différence entre les multiples enseignes ? Et j’en passe pour ne pas faire de cette chronique une liste interminable de questions ! Faire ses courses est en tout cas devenu une expédition menaçant ma santé mentale et mon porte-monnaie.

150 types de farines, de pains et conserves.

Des farines pour la pâtisserie, les gâteaux ou pour tout; Des pains et leurs déclinaisons ou du Chili en boîtes par dizaines, dur de s’y retrouver !

Durant les semaines suivant notre arrivée, mes proches me demandaient souvent : « T’as fais quoi aujourd’hui ? ». Ce à quoi je répondais avec angoisse: «les courses !», une réponse qui entraînait ce bref silence gêné et une nouvelle question au cas où j’ai mal compris : « Non, mais tu as fait quoi d’autre sérieusement ? T’es à San Francisco ! » Et moi de rétorquer : « Bah, les courses… Ah, et j’ai aussi amené les enfants à l’école et suis allée les récupérer. Tu sais, ici, c’est plus tôt… ». Mes proches ont posé moins de questions ! Ça, c’était ma vie au début de notre immersion. J’ai même refusé des invitations à prendre un café le jour des dites courses. Je savais quand j’entrerais dans un magasin mais jamais au bout de combien temps j’en ressortirais… Ni avec quoi ! J’ai donc géré mon emploi du temps, mes sorties et même mes entretiens professionnels en fonction de ça.

L'angoisse à l'entrée du supermarché

L’angoisse à l’entrée du supermarché

Tant de nouveautés. D’immensité. De différences. Je ne m’imaginais pas un tel choc France-USA. Quelle déprime s’est emparée de ma gourmandise devant les quelques yaourts vendus à l’unité ou face au rayon gâteaux sans aucune marque de référence ! Le Granola, fini. Le Délichoc, aussi. Les Petits Cœurs ou les Petit Lu, pareil. Quand le lait frais non-UHT a tourné en quelques jours et que j’ai compris que je serais obligée d’en acheter au coup par coup et que je ne pourrai plus faire de réserve, je crois que j’ai pleuré ! J’ai aussi versé une larme nerveuse quand j’ai raté un gâteau au yaourt, que le beurre a changé la consistance de mes crêpes, que la farine aussi ou quand j’ai réalisé que j’allais devoir faire mes pâtes feuilletées moi-même, ne trouvant aucun bon équivalent ici du type Marie ! Les conserves me donnaient la nausée et les surgelés m’inspiraient peu. Et quand j’ai compris que Picard n’avait pas son alter égo ici, la mère-journalo-blogeuse-étudiante que je suis a carrément sombré !

La collection des conserves Campbell chères à Andy WarholPetite collection de conserves Campbell, si chères à Andy Warhol

Les marques, les équivalents, les ingrédients… Je ne me retrouvais sur rien ! Même la box de fruits & légumes à laquelle je m’étais abonnée pour me faciliter la vie m’a déçue. Kale toute les semaines (un chou ancien frisé disons… spécial), pommes aux insectes ou tomates pourrissant en une semaine. Le dos de cabillaud me semblait un lointain souvenir, les petits pois Daucy et les crèmes Biotherm aussi ! Ajoutez à cela, des notes très salées à chaque passage en caisse, je me suis dit que je n’y arriverais jamais ! Puis peu à peu,  j’ai juste arrêté de lutter et accepté que vivre à l’étranger, c’était aussi adapter son panier. J’ai repensé nos habitudes et notre consommation familiale. Après avoir cédé au duo pizza-glace, j’ai repris les bases: j’ai acheté des légumes de saison, j’en ai découvert et j’ai appris à les cuisiner. J’ai cherché des guides, des conseils, j’ai passé des heures à lire les étiquettes, à comprendre les systèmes de valeurs, et j’ai commencé à me familiariser avec les rayons. Le supermarché US est une expérimentation au quotidien. Il faut l’explorer et l’apprivoiser. Tester, tester et tester ! Aujourd’hui je suis fière de dire que me suis adaptée et que cette chronique, commencée à l’imparfait, se termine au présent !

On trouve de super légumes (bio) dans la Baie.

Etales fuit & légumes (bio). Ici, on déguste plus de pastèques mais on manque terriblement d’agrumes!

Il m’a fallu presque un an pour me sentir efficace, savoir où acheter quels produits et dénicher quelques denrées précieuses (je vous prépare une liste). Je dois admettre que pour un plein complet, je n’ai pas encore trouvé l’endroit parfait et que je fais au minimum 2 enseignes, voire 3, pour satisfaire tous nos besoins. Mais ici, à Berkeley et dans la baie de San Francisco, nous avons la chance de trouver de tout et de très bonne qualité. Du fromage au lait cru à la crème fraîche en passant par la vanille, les lentilles, certains yaourts ou chocolats, nos palais ne se plaignent pas ! J’ai même trouvé des petits suisses pour combler mes enfants et des petits écoliers quand ils ont envie de goûter « comme avant ». Mais après un an, on changé : on mange plus bio, plus local, plus de fruits (et des bons), moins de viande, moins de produits laitiers… Cette odyssée dans les supermarchés locaux a donc amené une nouvelle manière de consommer. Et parmi les coups de pouces utiles, le guide de survie alimentaire aux USA est un atout ! Maintenant, entre les reportages et les enfants, je suis disponible pour un café !

Heureusement, les californiens aiment le fromage.Petits plaisirs fromagers…