De ma première rencontre avec la ville de New York, je garde en tête sa teinte si particulière. À l’inverse de Paris la grise, enveloppée dans des tonalités froides et sourdes, Gotham brille par ses tons chaleureux et marrons, mâtinés de rouge et d’ocre. Dans ce dégradé de bruns, difficile de distinguer au premier abord les structures en bois délavé qui se fondent dans le décor. Puis, le regard s’aiguise et nous ne voyons plus qu’elles. Elles, ce sont les Water Towers, des citernes d’eau perchées sur le toit des immeubles de plus de six étages depuis le milieu du XIXème siècle.

Ces réservoirs, qui ont une contenance d’en moyenne 30 mètres cubes, sont une figure familière et insolite du paysage urbain new-yorkais. On en compte entre 10 000 et 20 000, cubiques, rondes, en métal ou en bois. Loin d’être des reliques du passé, elles ont la lourde tâche de fournir en eau potable les habitants de la ville et de faire office de réserve en cas d’incendie. Côté technique, elles fonctionnent sur le principe de la gravité afin d’acheminer l’eau dans les logements et de garantir une pression convenable. Côté qualité sanitaire, c’est une toute autre affaire. Comme le rapporte un article du New York Timesde nombreuses bactéries telles que E. coli y sont régulièrement retrouvées. Pas vraiment une surprise lorsque l’on apprend que des rongeurs ou des volatiles peuvent y élire domicile.

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Affiche de l’exposition « Brooklyn rive gauche », organisée par Le Bon Marché en octobre 2015

Les Water Towers ne sauraient se contenter d’être des structures purement fonctionnelles : ce sont de véritables symboles et ce, jusque dans les beaux quartiers de la capitale française. Le grand magasin parisien Le Bon Marché en a ainsi fait la star de l’exposition « Brooklyn rive gauche » à l’automne 2015, propulsant ces petites maisons surmontées d’un toit conique en digne représentantes de la hipster attitude. De retour à New York, force est de constater qu’elles inspirent un grand nombre d’artistes à l’instar du Brooklynite Tom Fruin, qui a érigé en 2012 une sculpture en acier et plexiglass sobrement appelée Watertower. Située à quelques pas du Brooklyn Bridge, elle devient incandescente une fois éclairée par le soleil ou par un dispositif lumineux dès la tombée de la nuit. Certains projets ont par ailleurs réussi à marier art et éducation. The Water Tank Project, lancé en 2014, regroupe des artistes de renom dans le but de décorer ces formes cylindriques et également sensibiliser les habitants à la problématique et à la rareté de l’eau potable.

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Sculpture Watertower, Tom Fruin, 2012.

Les New-Yorkais se sont décidément bien appropriés cet emblème ! Les Water Towers deviennent les étendards de la vitalité artistique ambiante et se transforment, le temps d’une vidéo réalisée par David Tomaszewski, en fusées multicolores dans un Brooklyn aux allures de parc d’attraction !