En s’expatriant, nous avons laissé en France de la famille et des amis chers à nos cœurs. Et en cas de coup dur, c’est vers eux que je me suis encore tournée cette année, la deuxième de notre aventure aux États-Unis. J’en ai passé des heures au téléphone à chercher du réconfort en terrain connu. Sauf que ces coups de fil, aussi nécessaires et rassurants soient-ils, me laissaient souvent un goût triste en bouche, prenant la distance et le décalage en pleine poire. Car, vivre à 9000 km de tes proches et à – 9 heures, en cas de pépin, c’est lourd à porter. Pour toi, qui traverse une épreuve difficile, mais pour eux aussi. Ceux et celles qui se sentent impuissants car trop loin. Qui voudraient te faire un câlin. Qui n’osent pas t’ouvrir leur cœur de peur de te contrarier davantage. Puis il faut reconnaître que les échanges à distance ou virtuels masquent un peu ce que tu éprouves réellement et ne remplacent ni l’aide ni le soutien dont tu as besoin dans ton quotidien, là où tu vis, loin de ta patrie.

Un souci de santé important m’a clouée au lit plus d’une fois ces derniers temps. Passages aux urgences, rendez-vous et examens médicaux, biopsies (très) matinales, hospitalisations, intervention chirurgicale, béquilles et convalescence, un parcours du combattant avec des petits choux de 3 et 6 ans à la maison. Côté système D, autant dire que j’ai sérieusement élevé le niveau ! Mais j’ai surtout appris à faire confiance à ma communauté et découvert une solidarité locale puissante, bien au-delà de mes attentes. Très touchante. Bien au-delà de ce que j’imaginais ressentir. Grâce à notre entourage sur place, ce qui aurait pu devenir un cauchemar, ne l’a pas été. Toutes les questions psycho-pratiques s’imposant comme « à qui me confier alors que certaines de mes relations n’ont que quelques mois ? À qui oser demander de faire des courses sans déranger, de m’amener à un rendez-vous pendant que mon mari garde les enfants ou d’aller les récupérer à l’école parce que je ne peux pas conduire ? » ont trouvé des réponses douces, réconfortantes et faciles.

BTB-solidarite-triptique-1600x800

Des copines sont ainsi allées chercher mes enfants, ont fait les devoirs avec eux, leur ont préparé le dîner, les ont gardés le week-end et n’ont pas hésité à les prendre même à 6h du matin ! Avant d’avoir un renfort familial avec l’arrivée de ma maman, nos proches aux USA (rencontrés via l’école de nos bambins, dans notre quartier ou au boulot) ont réalisé une chaîne d’entraide : ils ont pris en charge nos courses à tour de rôle, les covoiturages ou nos repas. Grâce à eux, on ne s’est jamais demandé ce qu’on allait dîner les deux semaines suivant mon opération. Durant ce temps, nous avons pu nous concentrer sur ma guérison et non sur la logistique, un immense soulagement. Puis, il y a eu toutes ces nombreuses attentions qui ont consolé mon moral et fait couler quelques larmes. Confitures, soirée baby-sitting, oreiller fabuleux, baume antidouleur au cannabis, chocolat, masque anti-fatigue, cartes postales, boucles d’oreilles, colis de victuailles, fleurs, invitations diverses, taxis-copines et j’en passe. Et derrière ces doux cadeaux, ce soutien sans faille, sincère et affranchi de bienséance qui m’a boostée, bouleversée et transportée quand j’en avais besoin. Autant de gestes affectueux qui ont fait exploser les conventions sociales que je maîtrisais. Tellement merci pour ça ! Nous n’avons rien demandé, vous avez proposé. Nous n’avons pas eu le temps de nous organiser, vous l’avez fait pour nous. J’ai lâché, relâché ; je me suis sentie choyée, épaulée. L’expatriation réserve de bien jolies surprises humaines. C’en est une.

BTB-expat-solidarite-illustr-1200x600

Cette entraide qui s’est intensifiée durant des mois a révélé une communauté soudée et bienveillante. J’ai découvert qu’entre expats, peu se connaître n’empêche pas de se soutenir, d’échanger et d’apporter du réconfort. Que les américains sont des pros de l’entraide organisée avec des sites de coups de mains spécifiques (calendriers, repas, déplacements, chacun s’inscrit quand il peut et veut). Que leurs lasagnes et leurs cartes sont exquises. Que tes voisins sont bien plus que cela, des soutiens du quotidien. Que nous avons la chance d’être entourés par des gens super, issus d’horizons différents. Que nous sommes bien ici dans cette marmite unique. Que celles que j’appelle des copines depuis le début du papier sont devenues des amies. Que j’ai passé un sacré cap. Que je ne ressens plus l’isolement du départ, que mon fessier qui balançait entre deux chaises est en train de s’installer confortablement sur une seule. Je pense que l’expatriation, c’est tout recommencer à zéro et réapprendre ce que l’on croyait savoir. Autrement, avec de nouvelles nuances. Aujourd’hui, grâce à vous, ma palette s’est enrichie. Et cette chronique, elle est pour vous. Mes ami(e)s, mes proches, mes connaissances qui font de ma vie à Berkeley un périple intense, libre et heureux malgré les circonstances… Merci.


LECTURES LIÉES À CETTE CHRONIQUE :

  • Cette année passée au coeur du système de santé américain m’a inspiré un « Petit précis médical à l’usage des francophones aux États-Unis« , un guide pratique et utile pour ne pas paniquer chez le docteur et que vous pouvez télécharger gratuitement.
  • Je conseille aussi aux primo-expats ou ceux en devenir de lire les interviews de Magdalena Zilveti-Chaland, psychologue et auteure d’un ouvrage sur comment réussir son expatriation et celle de Delphine Bauchot-Safaee qui anime des groupes de parole entre femmes expats, une initiative à développer qui démontre le besoin d’échanger entre expatriées.
  • Enfin, 8 mois après notre arrivée, je réalisais une première chronique-bilan teintée d’incertitudes : l’expat-blues. Un épisode préalable à cet article là. Vous pourrez ainsi découvrir l’évolution de mes sentiments dans cette expatriation.