Je ne suis pas une conductrice exemplaire. Je ne suis pas patiente, j’ai tendance à appuyer sur l’accélérateur, j’ai le changement de file et le klaxon faciles, et je dois bien l’admettre, le doigt d’honneur aussi… Au volant, je deviens en plus vraiment vulgaire. Seize ans de voiture à Paris et quelques immersions Toulousaines et Auvergnates ont laissé des traces indélébiles, aggravées par plusieurs années de scooter parisien. Bref, un comportement difficile à exporter dans un pays inconnu, avec de nouvelles règles, des armes à feu en libre circulation, un nouveau permis de conduire californien en poche et une conduite locale oscillant entre le western, version jeu vidéo, et la pure application de la règle…

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Ce petit côté psychorigide de la règle a quelques conséquences qui m’étonnent, m’amusent et/ou m’agacent même après plus de 6 mois de conduite quotidienne ! Par exemple à un carrefour, ici, les STOP remplacent bien souvent les classiques feux tricolores. Pour réguler la circulation, c’est alors la règle du premier arrivé devant le STOP d’une des voies de l’intersection qui est en vigueur. Oui, oui, vous avez bien lu, c’est le premier arrivé, le premier servi quoi, car il n’y a pas de priorité à droite ici… Ce sont les STOP ALL WAY, 3 WAYS or 4 WAYS. Et ça marche parfaitement !

Exemple concret. Je me rapproche d’un carrefour au volant de ma Ford Explorer grise. Une voiture bleue couverte d’autocollants (ici, c’est très fréquent d’afficher ses idées politiques et idéaux sur son véhicule) est déjà à l’arrêt à ma gauche. Une jaune moutarde des années 60 (les vieilles voitures sont un peu religion dans le coin) vient de s’arrêter 1 seconde avant moi à droite. Lorsque j’arrive et que je m’arrête, on se regarde, on se sourit, on vérifie qu’aucune biche égarée n’arrive ou qu’aucun volatile errant ne s’octroie une priorité (le dindon sauvage créant un bouchon monstre – mais silencieux – car en balade sur le carrefour, c’est du vécu !), et, si j’ai bien été attentive, je laisse la voiture bleue passer d’abord puis la jaune, et enfin, j’y vais. Dans le respect le plus rigoureux de notre ordre d’arrivée donc. C’est archaïque mais très efficace !

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Généralement, c’est l’affaire de quelques secondes. Ici, la mécanique du balayage de la scène, du décryptage de l’ordre de l’arrivée et de la prise de décision d’appuyer sur l’accélérateur sont rôdés. Mais, ça peut aussi se rallonger par excès de politesse. Si mon voisin de droite estime par exemple qu’on est arrivés quasiment en même temps et décide de me faire l’honneur de me laisser passer avant lui avec un gentil geste de la main, que je décide de lui rendre sa courtoisie en lui proposant de passer avant aussi, que le troisième larron ne sait plus qui doit y aller d’entre nous… attention, le passage du carrefour peut durer quelques longues minutes ! Mais bon, en dehors de cet écart, que ce soit avec 40 véhicules ou en pleine nuit, ce système fonctionne très bien !

Pour la française et mauvaise conductrice que je suis, tant de discipline reste un événement. J’imagine la même situation à Paris… Bah, je vois la guerre ! Fanfare de klaxons, injures, obscénités distribuées à tout va ou tours de forces pour passer. Il y en a toujours un qui sera plus pressé ou plus con. Qui forcera pour gagner 20 secondes dans une hystérie générale (vous sentez la pointe américaine qui a germé là ?). Bref, ce serait difficile. Et ce n’est pas une question d’apprentissage mais de culture et de rapport aux règles. En France, on aime les entraver. Flirter avec… Et sans se dire qu’on aime le faire, on le fait quand même! Ici, on n’aime juste pas ! On s’y colle et c’est comme ça, comme inscrit dans les gènes.

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Le revers de cet aspect psychorigide de la règle, c’est que si tu l’appliques mal, les foudres te tombent dessus. Si tu as le malheur de t’être senti bercé par la lenteur des 40 km/h en ville et que, moins attentif, tu t’engages après un stop en grillant le tour d’une voiture prioritaire (car en arrivée avant toi), ou la, la… C’est mal… Très mal ! Le regard de ton voisin s’assombrit, le moteur de sa voiture vrombit et il préfèrera frôlé l’accident que te laisser outrepasser l’ordre public. Après quelques mésaventures de ce genre, je commence à m’y faire. Je travaille ma discipline. Encore quelques mois d’accoutumance et je serais une pro du stop all-ways. Je passerai ensuite à l’étape de l’intégration de la queue de poisson possible à tout moment et du clignotant qui semble très optionnel… Ils ont aussi de sacrés défauts de conduite !