Quand le vendredi soir, il vous prend une subite envie de pizza, un tour sur la toile ou dans vos applications smartphone et votre désir devient vite réalité. En deux, trois mouvements, l’objet de votre gourmandise sonne à la porte ! Transposez ce modèle en y ajoutant celui de la géolocalisation à la Uber et vous avez la recette de certaines sociétés pour livrer de la marijuana directement chez vous. Et ce n’est pas une blague ! Je précise car en faisant mon enquête sur le Net, j’ai lu des articles sur ces « nouveaux chauffeurs de la weed » débarquant en France avant de comprendre qu’il s’agissait de canulars ! 9000 km plus loin, à San Francisco, c’est un business très sérieux et professionnalisé. J’ai pu tester ce service sans bouger de mon canapé, en quelques clics et quelques minutes… Mais avant de vous détailler ça, un petit retour en arrière s’impose !

Décembre 2016. La légalisation du cannabis a été votée en Californie mais n’est pas encore en vigueur. Moi, je ne suis ni coutumière de la fumette (pourtant ordinaire à San Francisco) ni même spécialement tentée par l’expérience (pourtant célébrée régulièrement ici). En revanche, j’ai mal. Ça fait des mois que des douleurs indomptables m’empêchent de dormir et ruinent mes journées. Je souffre et le corps médical testent toutes les possibilités de traitement sans savoir ce que j’ai. Je passe par des painkillers (antidouleurs puissants qui tuent tous les jours aux USA), des injections de cortisone, du curcuma en gélule, des séances de rééducation et j’en passe… Ça dure pendant des mois. Je n’en peux plus et décide sur les conseils d’amis mais aussi de médecins de tester une alternative : le joint ! Une collègue journaliste qui a travaillé sur le sujet me garantit le sérieux de « Eaze ». Ni une ni deux, à quelques jours de Noël, je me lance.

Étape pré-requise : s’inscrire sur le site. Ensuite, consulter un médecin (et oui, c’est encore nécessaire pour acheter de l’herbe à usage médical). Je passe donc en salle d’attente virtuelle pour rencontrer le docteur qui me posera des questions sur mon état de santé et mes motivations. Une consultation vidéo de quelques minutes qui aboutit rapidement à son accord. Dans la foulée, je n’ai plus qu’à choisir parmi les références de la plateforme de vente. Les possibilités sont nombreuses : vaporisateurs, bonbons, boissons, chocolats, gâteaux, baumes etc. Après la lecture du guide des débutants en marijuana (!), je choisis un peu au hasard une tête, du papier à rouler biologique et quelques gourmandises. 10 minutes plus tard, un chauffeur privé débarque devant chez moi, ma commande sur le siège passager. J’ai pu suivre son trajet sur l’appli dédiée et toute l’opération aura pris montre en main… 17 minutes ! Efficace et ce, à tous les niveaux. Même le packaging est soigné. Tote bag adapté, slogan travaillé (Enjoy the moment), produits tracés… Le concept de mise en relation directe entre producteurs (agréés), chauffeurs et clients est rodé. Je suis bluffée !

Eaze, start-up californienne fondée en 2014, a levé 10 millions de dollars au départ et compte parmi ses investisseurs un certain Snoop Dog… Son ascension en a inspiré d’autres et plusieurs entreprises se sont lancées dans le green business. En Californie comme dans les 29 États qui ont légalisé le cannabis à usage thérapeutique, c’est la nouvelle ruée vers l’or ! Un marché juteux de quelque 7 milliards de dollars en 2016. Et bien plus à venir… Même si cette industrie n’est pas du goût de tous (certaines start-ups auraient été fermées par décision fédérale et l’administration Trump a clairement émis des réserves), les taxations rapportent gros aux États. Très gros ! Au Colorado, une partie doit même être redistribuée aux contribuables tellement ils ont engrangé d’argent. C’est donc gagnant-gagnant ! Car côté consommateur, fini de dénicher un dealer planqué quelque part et de se sentir hors-la-loi juste pour un pétard. Terminé l’hypocrisie d’acheter en ligne des « graines de collection » qui, soi-disant, ne peuvent pas pousser… Bref, sans rentrer dans les débats qui agitent ce sujet brûlant, moi, j’ai pu être soulagée grâce à ce système. Aidée. À un moment où je n’ai eu aucun autre recours. Comme après ma lourde intervention chirurgicale. Si j’avais dû transgresser en plus un interdit, je l’aurais très mal vécu. Autoriser, encadrer, réguler… Ça a parfois du bon d’examiner ce qu’il se passe chez ses voisins… À bon entendeur !