Planète-Environnement #02. « Chaque action personnelle peut faire la différence et initier un mouvement global ». C’est l’une des idées phare de Beth Terry, comptable américaine installée à Oakland, en Californie, qui, en quelques années, est devenue une spécialiste du plastic free. Auteure d’un blog à succès sur le sujet, elle a également publié un ouvrage de référence sur comment supprimer le plastique de nos vies. Beth Terry informe, décrypte, explique, conseille, alerte et partage son expérience personnelle pour nous aider à lutter contre le plastique.

Son but : œuvrer pour la planète et pour l’humanité. Son engagement est entier et sincère. Sa démarche, personnelle, humble et exemplaire. Et je trouve son initiative d’utilité publique ! Dans un contexte où les politiques décident pour nous et où M. Trump s’affiche comme chef de file des sceptiques du réchauffement climatique, Beth Terry offre une bouffée d’oxygène. Sa douceur, sa tolérance et l’évidence de ses propos, m’ont donné de l’espoir ! Elle a tracé une voie alternative que nous pouvons choisir librement d’emprunter. Voilà pourquoi je voulais la rencontrer et partager avec vous cet entretien inspirant.

Beth, présentez-vous en quelques mots !
Je suis auteure et activiste. J’ai quitté mon travail de comptable à temps plein en octobre 2016 pour m’engager davantage, me consacrer à mon site, écrire, donner des conférences, bref, être encore plus active sur le sujet du no plastic ! Mais être activiste ne paie pas mes factures donc je reste comptable freelance.

Comment est né votre engagement ?
C’était en 2007. Je lisais un article sur la pollution des océans et la photo d’une carcasse d’albatros m’a choquée. On voyait à travers les côtes de l’oiseau tout le plastique avalé. Ça m’a brisé le cœur. J’essayais à cette époque de limiter mon empreinte carbone mais, sans voiture ou en tant que locataire, j’avais du mal à réaliser l’impact de mes actions au quotidien… Là, j’ai pensé qu’en limitant ma consommation de plastique, je pourrais avoir un impact direct sur un autre être vivant. Je me suis donc lancée dans une nouvelle expérience : pourrais-je vivre sans plastique ?

Comment avez-vous mis en place cette expérience ?
J’ai commencé par collecter mes déchets en plastique afin de les lister et de me rendre compte de ma consommation. À ce moment-là, je ne cuisinais pas et il y avait beaucoup de plats surgelés, de barres énergétiques emballées ou des bouteilles. C’est assez facile de s’auto-convaincre que l’on utilise peu de plastique et j’étais surprise de constater tout ce que j’utilisais ! J’ai alors lancé mon site pour y partager mon apprentissage et publier les photos de l’évolution de ma consommation. L’objectif : la réduire.

BTB-bethterry-triptique2-1600x800

Photo Credit: Michael Stoler

Pourquoi réduire ? Quel est le problème avec le plastique ?
Le plastique constitue un réel danger pour la planète et pose un problème global de pollution. D’abord, le processus pour le produire – à partir de gaz naturel, pétrole ou charbon – est un procédé très polluant et gourmand en énergie. Ensuite, de nombreux agents chimiques et additifs sont ajoutés aux matières premières pour fabriquer du plastique aux propriétés, aspects ou qualités souhaités par les clients et consommateurs. Enfin, ces matières plastique deviennent des déchets qui se retrouvent partout, même où il n’y a pas d’humain. Et ces détritus bouleversent notre écosystème.

C’est-à-dire ?
Quand j’ai commencé à m’intéresser au sujet, il y a 10 ans, on en savait peu sur la pollution des océans par le plastique. Aujourd’hui, on sait par exemple combien c’est nocif et on voit des morts par mutilation ou suffocation. On sait que les additifs chimiques se répandent dans l’eau et que les oiseaux ou les poissons les ingèrent. Puis un petit poisson qui va manger du plastique, sera à son tour mangé par un plus gros poisson qui, en bout de chaîne, finira peut-être dans notre assiette…

Ce n’est donc pas seulement nocif pour la faune et la flore mais aussi pour nous ?
Oui. Certains agents chimiques ajoutés imitent ainsi le fonctionnement des hormones et, même à des doses minimales, ils constituent des perturbateurs endocriniens. Cela n’est donc pas toxique au sens de mortel mais sur la durée cela peut déstabiliser le fonctionnement du corps… Boire et manger dans du plastique n’est pas  si anodin.

Sait-on quels sont ces additifs chimiques ?
Hélas, non. Aux USA, les entreprises n’ont pas l’obligation de fournir ce genre d’informations et il est très difficile d’y avoir accès. Qui plus est, il existe des recettes de plastique très différentes.

Et le plastique biodégradable alors ?
Je reçois souvent des mails pour promouvoir sur mon site des produits dits biodégradables mais dès que je veux en savoir plus sur leur composition, on me répond: « c’est notre propriété », « c’est une recette secrète » ou « la FDA (l’agence de sécurité sanitaire américaine) a approuvé », ce qui pour moi, ne prouve rien du tout ! Puis ceux qui ajoutent des produits afin que les matières plastique se détruisent ne sont pas là assez longtemps pour voir combien de temps elles restent !

Mais le plastique se recycle, n’est-ce pas une solution ?
On pense souvent que si les emballages sont recyclables, c’est ok. Mais ce n’est pas si simple. À cause de ces fameux produits chimiques toxiques présents à l’intérieur du plastique mais aussi parce que recycler est un processus polluant qui n’est ni plus ni moins qu’un marché comme un autre. D’abord, tout ne se recycle pas et de nombreux déchets plastique terminent dans la nature. Ensuite, cela coûte parfois plus cher de les recycler et si ce n’est pas rentable ou qu’il n’y a pas d’acheteurs, aucun intérêt pour les entreprises. Le plus simple c’est donc juste d’éviter le plastique !

Comment ?
En prenant conscience des choix et alternatives qui permettent de se passer de plastique.

BTB-bethterry-une2-1500x750

Photo Credit: Beth Terry

Avez-vous des exemples au quotidien ?
Dans mon cas, j’ai vite arrêté de prendre des sacs en plastique dans les magasins. C’était le plus facile. À la place, j’ai des sacs en tissu ou en papier, des poches pour les légumes et pour le café, le même sachet papier depuis des années ! Puis j’ai commencé à utiliser des récipients réutilisables pour faire mes courses, comme des jarres en verres, ou j’ai investi dans des gourdes en aluminium, des pailles en verre et des couverts en bambou.

Vous imposez-vous un règlement anti-plastique ?
J’applique plutôt une philosophie de vie qui se résume aux 4 R : « Refuse, Reduce, Reuse and Recycle » (Refuser, Réduire, Réutiliser et Recycler). Ils me guident dans mes actions et si je dois acheter quelque chose avec du plastique, je m’interroge toujours : « est-ce vraiment nécessaire, puis-je le réparer ou le trouver en seconde main ? ». Et puis parfois, ça ne marche pas ! Par exemple, après avoir réparé ma machine à laver plusieurs fois, j’en ai acheté une neuve… J’en avais vraiment besoin !

Avez-vous réussi à supprimer tout le plastique de votre quotidien ?
Non ! Même si je suis vigilante tout le temps, parfois c’est impossible. On reste humain ! Mais heureusement, je sais exactement ce que je peux acheter où comme des pâtes fraîches dans mes propres récipients ou des céréales dans des épiceries en vrac. Ça me facilite la vie.

Comment intégrer ces nouvelles habitudes ?
La clé, c’est de se lancer petit à petit, étape par étape et de ne pas se déborder avec trop de chose à penser en même temps. En intégrant de nouveaux réflexes doucement, ils se transforment en routine. Moi, je n’y pense plus !

Des conseils pour un débutant qui ne sait pas par où commencer ?
Il n’y a pas une seule bonne réponse et ce qui est simple pour l’un ne le sera pas forcément pour l’autre. Ce que je conseille, c’est de collecter les plastiques utilisés sur une semaine pour réaliser ce que l’on consomme et, à partir de là, voir comment faire évoluer les choses. Et faites-en un jeu avec des challenges par exemple. Sans oublier de vous féliciter à chaque réussite et de rire quand vous échouez !

Face à l’ampleur du problème écologique, ces actions ont-elles un poids ?
Chaque individu constitue une petite pièce d’un large puzzle et peut jouer un rôle dans une solution globale. Nos actions ont un effet puissant sur les autres, par l’exemple qu’elles montrent : aller dans un magasin avec ses sacs en tissu banalise l’acte. Il ne s’agit pas de dire fais ci ou fais ça mais de le vivre et que les autres le voient. Si chacun pense « peu importe ce que je fais, ça ne changera rien », rien ne changera jamais… Moi, je pense que nos choix et actions personnels peuvent faire la différence.

Mais est-ce suffisant pour lutter contre la pollution par le plastique ?
Bien sûr, il faut plus que des actions individuelles… Mais plus il y aura de conscience personnelle et de voix qui s’élèvent, plus il sera facile d’impulser des actions plus importantes. D’autant que refuser le plastique est un travail continu. On ne change pas quelques habitudes et hop on s’arrête là ! Tous les jours, je découvre de nouvelles choses et de nouvelles initiatives sur le sujet. Si je pouvais, j’irais voyager à la rencontre de tous ceux qui tentent de faire bouger les choses à leur niveau. Il ne faut rien abandonner mais incarner l’exemple.

Merci Beth !
Et pour ceux qui veulent en savoir plus sur votre livre, un article lui est consacré ICI ! 


Sur le blog My Plastic Free Life, vous trouverez les 100 étapes proposées par Beth Terry pour vous lancer dans une vie sans plastique mais aussi des défis, des conseils pratiques, de nombreuses ressources sur le sujet ou des produits testés et approuvés plastic free ! C’est en anglais mais tout à fait abordable. Un clic pour la planète, c’est un début. 😉